Lancement du Brussels Piano Festival (BPF ?)
Héritier de l’école russe, Phillip Shovk présente un programme à contremploi
Mâchoire large, cheveux poivre et sel, en brosse, allure athlétique, Philipp Shovk semble tout droit sorti d’une série américaine (dont il serait un mauvais…). Mais qu’il se mette au piano et tout le monde se rassure. C’était mardi, en la salle gothique de l’Hôtel de Ville de Bruxelles où le pianiste ouvrait le Brussels Piano Festival, fondé en 2011 par Marc Castelain – musicien, musicologue, ancien producteur de radio – en collaboration avec Ville de Bruxelles, avec pour objectif de « faire connaître de grands artistes internationaux peu connus du public bruxellois ». Dont acte : d’origine russe, formé à Moscou et à Paris, lauréat de nombreux concours fin des années 80, Philipp Shvok est aujourd’hui établi en Australie d’où il mène une carrière internationale de soliste et de chambriste, tout en se profilant comme un éminent pédagogue.
Et tout cela s’entend… Attitude concentrée, énergie contrôlée, grande sobriété, lorsque Shovk pose les mains sur le piano, on sait que quelque chose va se passer. Mais pourquoi avoir ouvert son programme avec Scarlatti, pourquoi l’avoir conclu avec Schubert ? En effet, si, dans Scarlatti, on put apprécier la précision du toucher et le sens de la construction, les sonorités y étaient singulièrement terrestres, dépourvues de couleurs, et la danse, absente. La version Busoni du Prélude et fugue pour orgue en ré majeur de Bach trouva meilleure place dans l’univers du pianiste, bénéficiant de « registrations » spectaculaires, de cet art déjà observé de conduire et de construire le discours, et d’une rare capacité de puissance. Mêmes vertus dans la sonate op. 26 de Beethoven, quoique donnée prioritairement sur le mode implacable. Et hors-jeu pour la sonate D. 960 de Schubert, menée comme un long combat, malgré quelques moments de lumière ou de fluidité. L’étonnement sera d’autant plus grand à l’écoute du bis, signé par Shvok lui-même : une mélodie digne de Tchaïkovski, charmeuse et nostalgique, déroulée sur un doux ruissellement d’arpèges et de notes battues.
Le festival se tient chaque mardi d’octobre à l’Hôtel de Ville de Bruxelles, avec encore Henry Wong Doe, de Nouvelle Zélande (le 13), Adrienne Hauser, de Hongrie (le 20), et Chihiro Hosowaka, du Japon (le 27).
« La Libre Belgique »